Le développement de l’analyse territoriale de l’insécurité constitue un des aspects les plus typiques de la montée en puissance des recherches sur l’insécurité. Elle se situe au carrefour de deux traditions, l’une – ancienne – d’analyse territoriale de la délinquance, l’autre – plus récente – d’analyse territoriale du sentiment d’insécurité.
Dès avant la création de l’Observatoire scientifique du crime et de l’insécurité (OSCJ), nous avions abordé ce chantier d’abord dans le cadre d’une recherche sur les différents quartiers d’une petite métropole de province[1], ensuite à propos d’une analyse géosociale en Île-de-France[2]. Ces premières réalisations pâtissaient cependant de ne caractériser un territoire qu’à travers les caractéristiques de ceux des enquêtés qui y résident et que l’on interrogeait sur leurs victimations et leur éventuelle insécurité.
Pour pallier cette limitation, des chercheurs du CESDIP[3] et de l’OSC[4] ont obtenu un financement de l’Agence nationale de la recherche[5] pour confronter des données de victimation et de sentiment d’insécurité à l’analyse de la distribution socioprofessionnelle et migratoire des territoires franciliens, ainsi qu’aux comportements électoraux.
La première série de données est tirée d’enquêtes de l’IPR[6], la deuxième de l’analyse typologique par Edmond Préteceille[7] de la distribution socioprofessionnelle et migratoire des IRIS franciliens à partir des recensements de 1999, 2008 et 2013, la dernière des résultats publiés par le ministère de l’Intérieur[8] des premiers tours des élections européennes, présidentielles et régionales (1999-2019) dans chaque commune francilienne.
La confrontation de ces données produites dans des champs disciplinaires différents – la sociologie urbaine, la science politique, la sociologie de la déviance – s’est heurtée à un certain nombre de difficultés. Un premier chapitre du rapport est dédié à l’examen des problèmes de méthode et il a paru pédagogique d’y retracer les essais successifs qui ont finalement conduit à une démarche opérationnelle.
Les trois chapitres suivants sont consacrés à l’analyse successive de chacune des séries de données mobilisées dans la recherche.
Un ultime chapitre expose les résultats de l’analyse qui confronte ces différentes bases de données.
[1] Zauberman, Robert, Pottier, 2000.
[2] Zauberman, Robert, Névanen, Bon, 2013.
[3] Philippe Robert (DR), Renée Zauberman (DR), Antoine Jardin (IR), Centre de recherches sociologiques sur le droit et les institutions pénales (CESDIP, UMR 8183).
[4] Edmond Préteceille (DR), Observatoire sociologique du changement (OSC, UMR 7049).
[5] Projet ANR-16CE41-0004-01
[6] Chaque année impaire depuis 2001, l’Institut Paris Région (IPR) réalise une enquête sur les victimations et l’insécurité en Île-de-France.
[7] Préteceille, 2006, 2009, Oberti, Préteceille, 2016.
[8] www.data.gouv.fr
Le terrain retenu, l’Île-de-France, présente une diversité de territoires propice à l’analyse que nous voulons mener. Cette région se caractérise aussi par une exposition à la victimation globalement supérieure à celle de l’Hexagone entier, quoique très variable selon les territoires. C’est aussi vrai des deux facettes – la préoccupation sécuritaire et les peurs personnelles – du sentiment d’insécurité.
Mais il a fallu choisir une unité territoriale : l’empilement[1] des enquêtes de victimation fournit 80 000 enquêtés à l’échelle communale, mais seulement 50 000 sont exploitables à celle de l’IRIS. Il en faudrait beaucoup plus[2] pour travailler à un niveau infracommunal. Les analyses de Préteceille opèrent au niveau de l’IRIS. Quant aux résultats électoraux, ils peuvent se lire à l’échelle du bureau de vote – dont la liste est fréquemment révisée – ou à celle de la commune. Finalement, on est conduit à choisir cette dernière[3]. Du coup, il a fallu transformer les données socioprofessionnelles et migratoires, du moins pour les communes contenant plus d’un IRIS, en identifiant chacune par le type qui s’y trouve le plus répandu. Cette procédure provoque une certaine perte de finesse, notamment pour les communes les plus hétérogènes. Néanmoins, elle permet de conserver l’ensemble des types initiaux avec une grande variété de profils, tout en tenant compte des changements de composition dans le temps.
Enfin il a été jugé prudent de ne retenir que les 330 communes ou arrondissements parisiens contenant au moins 50 enquêtés dans l’ensemble des campagnes de l’IPR. On écarte ainsi un grand nombre de communes, mais une assez faible proportion – moins de 13 % – de la population francilienne puisque les communes sélectionnées se situent des zones à forte densité de population et que celles qui sont écartées se trouvent, au contraire, dans des zones excentrées à faible densité.
Finalement, les variables d’intérêt sont :
– les profils socioprofessionnels et de rapport à l’immigration de chacun des territoires communaux, à partir des données de recensement en 1999, 2008, 2013 ;
– les résultats électoraux des premiers tours des élections régionales, européennes et présidentielles de 1999 à 2019 ;
– les résultats cumulés des enquêtes IPR en matière de victimations, insécurité personnelle, préoccupation sécuritaire et rapport au quartier.
Toutes ces variables ont fait l’objet d’une standardisation, pour tenir compte de leur variation en structure d’un territoire à l’autre, et de manière à homogénéiser l’importance des phénomènes rares (les victimations) et de ceux qui sont plus fréquents comme le sentiment d’insécurité.
Figure 1: Densité à l’hectare des populations franciliennes
Source : IPR Champ : Île-de-France
Figure 2 : Carte de la couverture territoriale des communes avec plus de 50 enquêtés Source : OSCJ/CESDIP Champ : Île-de-France
[1] Ce qui est possible après avoir vérifié la stabilité en structure du rapport à l’insécurité sur une période d’une quinzaine d’années.
[2] Une évaluation a posteriori a permis de supposer qu’il en aurait fallu 250 000 pour opérer à l’échelle des 5 200 IRIS franciliens.
Pour saisir les principales informations contenues dans les enquêtes IPR, nous avons retenu plusieurs séries de variables constituées et analysées en groupes dans le cadre de l’analyse factorielle multiple.
Le premier groupe comporte les victimations, soit des victimations personnelles (le vol, l’agression, l’agression sexuelle et l’agression par un proche cohabitant) mais aussi des victimations de ménage (vol de deux roues, vol de voiture, vol dans les voitures, dégradation sur véhicule et cambriolage)
Le deuxième groupe de variables rassemble les peurs dans les transports en commun. Nous mesurons les peurs dans le bus, le RER, le métro, le train, le tramway.
Le troisième groupe de variables rassemble les peurs dans le voisinage, au domicile et dans le quartier. Ces peurs sont plus rares que celles dans les transports[1].
Le quatrième groupe de variables concerne les préoccupations prioritaires des enquêtés. La préoccupation pour la sécurité y est confrontée à celles pour la pauvreté, le chômage, le SIDA et la pollution.
Le cinquième groupe de variables porte sur les problèmes de voisinage, c’est à dire l’évaluation de la gravité des problèmes de bruit, de bandes, de vandalisme, de drogue dans le quartier de résidence de l’enquêté.
Sur cette base, on a procédé à une classification ascendante hiérarchique sur les coordonnées des variables énumérées ci-dessus et celles des communes (ou arrondissements parisiens). On parvient à huit classes parmi ces dernières.
Figure 3 : Victimations et insécurité. Classes de communes
Figure 4 : Les typologies de l’insécurité en Île-de-France
Source : OSCJ/CESDIP d’après des données de l’enquête d’Institut Paris Région sur les victimations et l’insécurité franciliennes Champ : Île-de-France
[1] Initialement, on avait également sélectionné les peurs pour les enfants. On ne les a pas conservées par la suite car, ne concernant pas tous les enquêtés, elles imposent des contraintes d’effectifs plus strictes qui réduisent les possibilités d’analyse territoriale.
Pour caractériser la situation résidentielle des enquêtés, on a utilisé des instruments élaborés par E. Préteceille dans ses recherches sur les transformations de la structure sociospatiale de la métropole parisienne : une typologie socioprofessionnelle des IRIS construite à partir de la catégorie socioprofessionnelle des actifs résidant dans l’IRIS, et une typologie migratoire de ces mêmes IRIS construite à partir du lieu de naissance de l’ensemble des résidents. Ces deux instruments avaient été mis au point sur la base du recensement de 1999. Pour la présente recherche, ils ont été actualisés pour les recensements de 2008 et 2013, afin de pouvoir saisir les évolutions qui se sont produites au cours de la période couverte par les enquêtes de victimation
La région Île-de-France a connu une transformation profonde de sa structure socioprofessionnelle au cours des dernières décennies. Comme le montre la figure suivante, les catégories populaires sont devenues minoritaires. Les ouvriers, qui étaient la CS la plus nombreuse avant 1968, avec plus du tiers des actifs, ne comptaient plus que 13% du total en 2013 ; et les employés sont passés de 32% des actifs en 1968 à 26% en 2013. Ce sont les cadres et professions intellectuelles supérieures qui ont le plus progressé, passant de 10% à 29%, suivis des professions intermédiaires, de 17% à 26%.
Figure 5 : Évolution des CS agrégées – Ile-de-France 1968-2013
Les IRIS des types supérieurs sont devenus nettement plus nombreux, et cette croissance se fait principalement par homogénéisation et élargissement de grandes zones qui étaient déjà dominées par ces types supérieurs. C’est le cas à Paris, où le sud-est et le nord-est sont passés majoritairement dans les types supérieurs. C’est le cas dans le triangle dont la pointe est à Paris et qui s’ouvre vers l’ouest, vers la vallée de la Seine au nord et la vallée de Chevreuse au sud ; les Hauts-de-Seine et la partie est des Yvelines se sont nettement homogénéisés. C’est aussi le cas à l’est de Paris, où l’espace supérieur plus réduit autour du bois de Vincennes et des bords de Marne s’est nettement élargi.
Les IRIS des types moyens-mélangés constituaient le plus souvent, en 1999, des espaces de transition entre les types supérieurs et les types populaires ouvriers. C’est toujours le cas en 2013, mais comme la présence des types supérieurs s’est renforcée au centre et à l’ouest proche de l’aire urbaine – par glissement d’IRIS qui étaient moyens mélangés vers les types supérieurs – les IRIS moyens-mélangés de 2013 sont un peu plus écartés de ces zones du centre et de l’ouest, devenant particulièrement présents en deuxième couronne et au-delà. Ils sont devenus très nombreux dans la moitié sud-est et le centre de la Seine-Saint-Denis.
Les IRIS des types populaires-ouvriers sont le seul groupe dont le nombre a nettement diminué. Cette diminution s’observe dans les trois types de localisations caractéristiques de ce groupe. Dans les restes de l’ancienne ceinture ouvrière-industrielle de la proche banlieue, on les trouve de moins en moins dans les espaces limitrophes de Paris, et assez peu nombreux sont ceux qui subsistent dans le nord et le sud des Hauts de Seine et dans le centre-ouest du Val-de-Marne. Il en reste plus en Seine-Saint-Denis, mais, là où ils constituaient 64% du total des IRIS d’habitat en 1999, ils sont devenus minoritaires, ne comptant plus que pour 42%.
Dans les quartiers populaires-ouvriers de la deuxième couronne de banlieue dense, qui correspondent à des grands ensembles de logement social, le nombre de ces IRIS a un peu diminué, mais moins qu’en première couronne. Par contre, les IRIS de type ‘espaces ouvriers, artisanaux et agricoles’ – constitués de petites communes de pavillonnaire périurbain – ont vu leur nombre nettement réduit, de 415 à 119. Ceux qui subsistent se trouvent principalement dans l’est de la Seine-et-Marne, et dans les départements limitrophes de la région, sur lesquels a débordé d’aire urbaine.
Entre 1999 et 2013, la population des Français nés en France métropolitaine est passée de 8,04 millions à 8,29 millions, et celle de l’ensemble des autres de 2,81 millions à 3,79 millions, leur poids dans la population totale de l’aire urbaine de Paris passant de 25,2% à 30,6%.
L’évolution a été assez différente selon les origines. La croissance la plus forte a été pour les originaires d’Afrique sub-saharienne (AFR) suivis des originaires du Maroc (MAR) et d’Algérie (ALG), d’Asie de l’Est et Sud-Est (ASE), de l’Inde, Pakistan, Bangladesh (IND) et de l’Europe de l’Est (EST). Les originaires des DOM-TOM (DOM) restent stables cependant que les originaires du Portugal, d’Italie et d’Espagne voient leurs effectifs se réduire légèrement.
Figure 6 : Évolution des immigrés selon l’origine – aire urbaine de Paris 1999-2013
La nette croissance de la population immigrée entre 1999 et 2013 se traduit dans l’ensemble par une présence accrue des immigrés dans tous les types d’espaces. La polarisation s’est cependant accentuée entre le groupe des IRIS des deux types les plus supérieurs où les immigrés restent presqu’absents, et le reste des espaces de la métropole parisienne.
Dans le cadre de l’analyse territoriale de l’insécurité, nous avons procédé à l’agrégation spatiale des types migratoires des IRIS de la même façon que pour l’agrégation des types socioprofessionnels. C’est le type dominant démographiquement qui est utilisé pour caractériser le type communal. L’hétérogénéité est ici plus faible que pour les types professionnels, d’une part parce que la ségrégation des immigrés et descendants de migrants dans l’espace francilien est plus intense que ne l’est la ségrégation des types socioprofessionnels, d’autre part parce que les communes sont moins souvent hétérogènes dans leur rapport à l’immigration que dans leur type social.
Nous avons écarté les élections locales où l’offre électorale varie selon les scrutins et les localités et retenu seulement celles où elle couvre l’ensemble du spectre politique, les présidentielles (2002, 2007, 2012, 2017), européennes (1999, 2004, 2009, 2014, 2019) et régionales (2004, 2010, 2015). Pour la même raison, nous n’avons pris en compte que leur premier tour de chaque scrutin, seul celui-ci permettant de présenter l’ensemble de l’offre politique proposée aux électeurs. Nous avons travaillé à partir des résultats obtenus en pourcentages des électeurs inscrits par chaque liste ou candidat de l’ensemble des scrutins retenus. Ces variables ont été standardisées, de telle sorte que l’on étudie la structure du vote pour chaque candidat ou liste et sa répartition territoriale et non pas son niveau absolu.
On peut ensuite positionner chacune des communes d’Île-de-France dans le plan construit par les choix électoraux.
Figure 7 : Choix électoraux, classes de communes
Source : OSCJ/CESDIP d’après des données Intérieur (www.data.gouv.fr) Champ : Île-de-France
La région est d’abord marquée par une concentration spécifique des votes intenses en faveur de la droite parlementaire, sans concurrence de l’extrême-droite, dans les espaces des quartiers ouest de Paris et dans leur prolongation de la banlieue ouest. Ce type de territoires émerge également dans les alentours immédiats du bois de Vincennes à l’est de la métropole.
On discerne ensuite la rémanence électorale notable de l’ancienne ceinture rouge, en réalité constituée principalement d’un arc de cercle allant du nord-est au sud de la banlieue proche de Paris. Cette permanence s’exprime par un fort vote LFI en Seine-Saint-Denis et par un vote davantage partagé entre le centre gauche et les écologistes dans le Val-de-Marne.
On note, enfin, un vote en croissance, localement important, mais en dessous de son niveau national moyen à type de territoire équivalent, en faveur du Front National/RN dans les zones périurbaines du nord, de l’est et du sud de la région. Cette tendance ne se retrouve pas dans la grande banlieue ouest. De plus, elle paraît parfois cartographiquement importante alors qu’elle est numériquement plus limitée en raison de la faiblesse démographique des espaces concernés par cette tendance à l’échelle régionale. L’Île-de-France constitue une exception dans la vie politique nationale, par la faiblesse structurelle du vote d’extrême-droite que l’on y observe depuis 2002.
Figure 8 : Géographie des comportements électoraux franciliens
Source : OSCJ/CESDIP à partir de données Intérieur (www.data.gouv.fr) Champ : Île-de-France
Ce dernier chapitre se propose de combiner les approches précédentes, en confrontant les structures territoriales des inégalités sociales, de l’insécurité dans toutes ses composantes et du comportement électoral.
Pour y parvenir, on a assemblé toutes les données présentées dans les précédents chapitres de ce rapport pour constituer un tableau ayant la structure suivante : chaque ligne est une commune francilienne identifiée par son code unique INSEE, chaque colonne est une variable indiquant son profil de composition sociale et migratoire, de victimation, de peurs, de préoccupations, de rapport au quartier et enfin de résultats électoraux. On compare ainsi des territoires et non des individus. Le type de chaque commune est présenté à trois moments du temps, 1999, 2008 et 2013, pour le type socioprofessionnel comme pour le type migratoire. On tient ainsi compte de l’évolution du profil social des communes dans cette analyse d’ensemble, de la même façon qu’on tient compte de l’évolution électorale et de la structure de l’offre politique.
Pour l’analyse conjointe de toutes les bases de données, on a recouru à l’analyse factorielle multiple (AFM).
Figure 9 : Typologie d’ensemble, classes de communes
Source : OSCJ/CESDIP Champ : Île-de-France
type 1 territoires sécures de la bourgeoisie parisienne
type 2 territoires sécures de classes supérieures Paris
type 3 territoires de classes (moyennement) supérieures Paris, victimes ++, insécures –
type 4 territoires de grande banlieue, peu victimes, peu insécures
type 5 territoires de banlieue éloignée de type moyen-mélangé victimes – mais insécurité +
type 6 territoires de proche banlieue de type moyen-mélangé faiblement insécures
type 7 territoires de banlieue éloignée petites classes moyennes et ouvrières insécurité ++
type 8 territoires prolétaires et immigrés de proche banlieue victimes ++ insécures ++
Certaines configurations paraissent logiques.
Ainsi en est-il d’abord des territoires indemnes qui occupent les arrondissements sud-ouest de la capitale et leur prolongement de proche banlieue. Dans ces espaces très bourgeois, exposition à la victimation et insécurité font plutôt figure de non-sujet.
Autre cas de figure qui paraît logique : les territoires précaires de la proche banlieue nord-est. Ces espaces prolétaires à forte dimension immigrée subissent une forte pression délinquante qui vient s’ajouter à une précarité économique et sociale ; logiquement, on y observe aussi une forte insécurité.
D’autres configurations sont contre-intuitives.
Ainsi en va-t-il de territoires parisiens résilients à peuplement de classes supérieures ou moyennement supérieures. Une exposition marquée aux victimations de proximité n’y déclenche pourtant pas d’insécurité.
Autre cas de figure contre-intuitif : des confins nord, est et sud, à peuplement de petites classes moyennes ou de classes populaires traditionnelles. La faible pression délinquante n’empêche pas le fleurissement d’une préoccupation sécuritaire où se lit la hantise de la précarisation et le souci de se distinguer d’un néoprolétariat à forte dimension immigrée.
Figure 10 : Représentation cartographique pondérée par le poids démographique de chaque classe
Source : OSCJ/CESDIP Champ : Île-de-France
Pour des raisons différentes, deux limites principales sont apparues lors de l’analyse des données.
La première concerne la difficulté à saisir des évolutions temporelles des structures spatiales de l’insécurité. Cette difficulté découle surtout des faibles évolutions des niveaux de peurs, de préoccupation sécuritaire et de victimations. Si la structure socioprofessionnelle glisse structurellement vers les groupes supérieurs, si l’offre partisane se transforme ainsi que les clivages politiques, les structures de l’insécurité apparaissent particulièrement stables et traduisent la rémanence des caractéristiques des territoires.
La seconde limite tient à la difficulté à travailler à l’échelon infracommunal. Cet exercice présente aussi l’inconvénient de n’avoir pu, faute de disposer d’effectifs suffisants d’enquêtés, inclure pleinement les petites communes du rurbain.
Il serait utile de changer d’échelle en passant d’une analyse francilienne à une analyse nationale des structures spatiales de l’insécurité, des victimations, des préoccupations sécuritaires, des contextes sociaux et des comportements électoraux. Alors que s’achèvent les enquêtes CVS réalisées en face à face par l’INSEE, il est envisageable de répliquer les méthodes déployées dans le projet INSOCPOL sur l’ensemble des campagnes CVS, soit quinze ans de collecte annuelle et environ 180 000 individus. Cette perspective permet d’envisager notamment un travail plus complet sur les espaces périurbains et ruraux, mais aussi de comparer les grandes métropoles françaises entre elles.